Association médicale canadienne

Les Canadiens et Canadiennes ont au moins 150 nouvelles raisons de s’unir contre un ennemi commun : les changements climatiques – qui ont créé les conditions idéales pour l’éclatement de 6 500 feux de forêt partout au Canada l’an dernier. Ces feux ont détruit 18,5 millions d’hectares en superficie, soit plus du double par rapport au record précédent et plus de neuf fois la moyenne décennale de 2,7 millions d’hectares.

Nous avons récemment appris que plus de 150 des brasiers de l’an dernier continuent de brûler en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest. Certes, le fait que certains feux de forêt estivaux continuent de brûler sous terre pendant les mois d’hiver n’a rien d’anormal – c’est ce qu’on appelle les feux dormants ou « feux zombies ». Mais selon l’expert en feux de forêt Michael Flannigan, le phénomène a pris de l’ampleur. « J’observe les incendies au Canada et à l’étranger depuis la fin des années 1970, et je n’ai jamais rien vu de tel », a déclaré M. Flannigan dans un récent article du Washington Post.

Les experts lancent un cri d’alarme : le Canada doit se préparer à des événements météorologiques extrêmes. Selon le ministre de la Protection civile Harjit Sajjan, la saison des feux de forêt sera pire cette année que l’an dernier. 

Les feux de forêt sont la manifestation terrible de la crise climatique et sanitaire actuelle; ils présentent des risques importants pour les moyens de subsistance, la sécurité et la santé des personnes. La fumée des feux de forêt présente de graves risques pour la santé mentale et physique; elle exacerbe les maladies pulmonaires, cardiaques et autres. Les enfants et les personnes âgées y sont particulièrement vulnérables, de même que d’autres personnes dont la santé est compromise en raison de multiples maladies chroniques. Les risques à long terme pour la santé liés à l’exposition de la fumée des feux de forêt – connus ou non – sont tout aussi importants. L’an dernier, le système de suivi international de la qualité de l’air IQAir a enregistré plusieurs fois dans les grandes villes du Canada, comme Toronto et Montréal, les niveaux de pollution parmi les plus élevés au monde. La fumée de feux de forêt qui planait au-dessus de ces villes a dérivé vers Chicago, au sud, et vers l’est de l’Europe. 

Nous devons nous attaquer de toute urgence aux changements climatiques, cause principale de la crise des feux de forêt, et ce, à l’échelle nationale. Tous les secteurs d’activité doivent s’engager à prendre des mesures pour atténuer leur empreinte environnementale et soutenir ceux et celles qui mènent une lutte extrêmement difficile contre ce phénomène de plus en plus menaçant pour la vie. Cela comprend le secteur financier, dont les banques, qui alimentent et facilitent les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement de la planète, ainsi que les sociétés d’assurance, qui cessent de couvrir les zones touchées par les feux de forêt, et les régimes de retraite, qui doivent offrir aux pompiers forestiers et pompières forestières une meilleure sécurité financière à la retraite. 

Mais cela comprend également le secteur de la santé, responsable d’environ 4,6 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale – soit plus que les secteurs du transport aérien et maritime combinés. Ce secteur contribue aux changements climatiques en raison des déchets médicaux et des gaz anesthésiants qu’il produit, ainsi que de la chaîne d’approvisionnement titanesque qu’il requiert. Les gouvernements et les responsables des soins de santé doivent rendre le système de santé plus écologique afin d’aider à réduire notre empreinte carbone. Imaginez l’ampleur des répercussions positives d’une telle action sur la planète et sur la santé humaine. Si nous pouvions éliminer autant d’émissions dans l’atmosphère, nous aiderions directement à ralentir les changements climatiques et à atténuer leurs répercussions, en plus de placer la barre très haute pour d’autres industries.

Afin d’assurer un avenir durable, nous devons renouveler et élever les valeurs sociétales de solidarité et de coopération en prenant des mesures qui correspondent à un système de valeurs axé sur la nature. Nous sommes tous et toutes des citoyens et citoyennes du monde, et notre existence dépend d’une seule planète. La très prometteuse approche « Une seule santé » est promue par l’Organisation mondiale de la Santé et par d’autres en tant que méthode collaborative, multisectorielle et transdisciplinaire pour atteindre les meilleurs résultats possibles en matière de santé grâce à la reconnaissance des liens entre les personnes, les animaux, les plantes et notre environnement commun. 

Alors que le Canada appuie les efforts internationaux visant à freiner les effets du réchauffement planétaire, nous avons également besoin d’une stratégie nationale pour lutter contre les changements climatiques à l’intérieur de nos frontières. L’Association médicale canadienne demande au gouvernement de créer un secrétariat fédéral sur les changements climatiques, qui agirait comme agent de liaison entre Environnement et Changement climatique Canada, Santé Canada, Infrastructure Canada et d’autres gouvernements et partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones. Cette mesure permettrait d’élaborer une approche pancanadienne visant à réduire les effets des changements climatiques sur la santé et à créer un système de santé durable, à l’épreuve des changements climatiques et sobre en émissions de carbone. 

Par notre inaction collective, nous avons créé la crise climatique qui sévit à l’échelle planétaire. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, ensemble, pour ralentir le réchauffement climatique, atténuer les changements climatiques et bâtir un avenir plus sain et plus durable pour les générations futures. 

Le Canada est littéralement la proie des flammes, et nous ne pouvons plus attendre. 

La sénatrice indépendante Rosa Galvez est l’une des expertes canadiennes de premier plan en matière de lutte contre la pollution et ses effets sur la santé humaine. Elle est titulaire d’un doctorat en génie de l’environnement de l’Université McGill.

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille en Colombie-Britannique et présidente de l’Association médicale canadienne. 

Ce commentaire a été publié par le Hill Times le 22 avril 2024.

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